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Manuela Bertone

Ex-Attachée de coopération universitaire de l’Ambassade de France en Italie

Durante son mandat en tant qu’Attachée de coopération universitaire, quel a été, selon vous, le principal défi pour renforcer les liens académiques entre la France et l’Italie ?

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Je tiens à préciser que mon mandat à l’Ambassade de France en Italie a duré quatre ans, de septembre 2001 à août 2005. Avant de répondre directement à votre question, permettez-moi de revenir en arrière pour donner un peu de contexte. Dans les années 1990, la coopération universitaire entre la France et l’Italie avait connu des avancées remarquables : en 2000, on recensait 195 accords universitaires (32 % en sciences humaines, 25 % en sciences sociales, 43 % en sciences exactes). Des progrès significatifs avaient été réalisés dans plusieurs domaines : la reconnaissance mutuelle des diplômes (accords-cadres ratifiés en 1996 et 1998), la co-tutelle de thèses de doctorat (accord-cadre de 1998), l’harmonisation des structures d’enseignement, ainsi que les doubles diplômes italo-français.

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Au début des années 2000, l’objectif de l’Ambassade de France en Italie était de transformer ces idées et perspectives en programmes opérationnels. Le Service scientifique et le Service culturel ont alors assumé un rôle clé en tant qu’interlocuteurs des universités françaises et italiennes, mettant leurs compétences à disposition pour favoriser cette coopération.

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Le Service culturel, dans le cadre duquel s’inscrivait ma mission, se concentrait spécifiquement sur les relations avec les facultés de sciences humaines et sociales. Il promouvait et soutenait des initiatives visant à renforcer l’étude de la langue française et de la culture française dans ses divers aspects, notamment par le biais de nouveaux cursus universitaires franco-italiens ou francophones. Pour renforcer les liens entre la France et l’Italie, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les départements d’études françaises et les associations de spécialistes de français en Italie. Ensemble, nous avons élaboré des stratégies efficaces et lancé des projets ambitieux, tels que l’organisation de colloques, de grandes manifestations culturelles impliquant des dizaines d’universités italiennes et françaises, ainsi que des programmes de formation pour les enseignants du secondaire.

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Notre présence sur le terrain et nos interventions n’étaient pas purement logistiques : la France, via le Service culturel de l’Ambassade à Rome, a apporté une partie des financements nécessaires pour mener à bien et pérenniser les actions de coopération évoquées. Ces financements étaient parfois complétés par des partenaires privés, notamment des entreprises françaises opérant en Italie, conscientes de l’importance d’une politique culturelle ambitieuse pour consolider la longue tradition des échanges entre nos deux pays.

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Enfin, outre le Service culturel et son Bureau de Coopération Linguistique et Éducative (remplacé ensuite par l’Institut Français Italia), d’autres acteurs français, comme les centres et instituts culturels, et surtout les "lecteurs d’ambassade", jouaient un rôle clé sur le territoire italien. Ces derniers, présents dans une quinzaine d’universités italiennes, n’étaient pas seulement des enseignants de langue maternelle, mais également des promoteurs actifs des initiatives culturelles et linguistiques. En somme, il existait (et il existe encore, bien que différemment structuré) un véritable réseau culturel français en Italie.

 

Quels projets ou collaborations académiques gardez-vous en mémoire avec la plus grande satisfaction et pensez-vous qu’ils ont eu un impact significatif sur les relations culturelles et scientifiques entre les deux pays ?

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Je tiens à souligner que nos efforts quotidiens visaient avant tout à promouvoir le dialogue entre les cultures et à préserver la diversité linguistique et culturelle, plutôt qu’à défendre une seule langue ou culture. Notre projet de coopération universitaire s’est inspiré des orientations données par Jack Lang, alors ministre de l’Éducation nationale, qui, en avril 2001, déclarait : « Dans un contexte d’uniformisation et de mondialisation, nous œuvrons pour la création d’un espace universitaire européen, garant de valeurs partagées et d’une conception libre et ouverte de la connaissance. »

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Dans cet esprit, des projets d’envergure ont vu le jour, comme Uni(di)versité, une manifestation culturelle biennale organisée en 2001, 2003 et 2005. Cet événement a permis à des figures majeures de la scène culturelle française, telles que Gilles Kepel, Jacques Rancière ou Annie Cohen-Solal, de débattre avec des universitaires italiens dans des cadres ouverts et stimulants, impliquant des milliers d’étudiants.

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Je garde également un souvenir marquant des rencontres sur l’édition universitaire, telles que L’avenir des éditions savantes (décembre 2003), organisées dans le cadre du Salon du livre de Rome, avec la participation d’éditeurs prestigieux comme Gallimard ou Le Mulino. Ces échanges ont permis de tracer de nouvelles perspectives pour une politique européenne du livre.

 

Selon vous, quel rôle les universités et les intellectuels jouent-ils aujourd’hui dans le dialogue culturel entre la France et l’Italie, et quels sont les domaines les plus prometteurs pour de nouveaux projets ?

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Les universités restent des lieux privilégiés de partage des savoirs. Depuis le premier Accord culturel entre la France et l’Italie en 1949, de nombreux progrès ont été réalisés, notamment grâce à des programmes bilatéraux et européens favorisant la mobilité des étudiants et enseignants.

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L’Université Franco-Italienne, par exemple, joue un rôle clé dans cette coopération, soutenant des projets ambitieux à travers des financements pour la recherche, les colloques et les échanges académiques. À l’avenir, il serait pertinent de renforcer des structures de ce type pour répondre aux aspirations croissantes des deux pays en matière de coopération universitaire.

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Enfin, l’internationalisation est une voie incontournable. Les formations binationales, européennes ou globales, offrent aux étudiants une ouverture culturelle et professionnelle essentielle dans un monde en constante évolution. C’est cette voie, fondée sur le dialogue entre les cultures, qui assurera le succès des futurs projets franco-italiens.

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