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Hélène Sandoval

Directrice du Théâtre Français de Rome

Quel est le rôle du Théâtre Français de Rome dans la promotion de la culture théâtrale française à Rome ? Comment contribuez-vous au dialogue culturel entre la France et l’Italie ?

Notre rôle, c’est de rendre la culture théâtrale française vivante et accessible ici à Rome, et même au-delà. Depuis 22 ans, nous proposons une école de théâtre et des spectacles qui ne sont pas uniquement destinés à la communauté française. J’ai toujours voulu que notre travail s’adresse aussi aux Italiens. À mes yeux, c’est la clé pour créer un véritable dialogue entre nos deux cultures.

Par exemple, nos cours de théâtre ne nécessitent pas de parler français. Grâce à une méthode que j’ai développée sur plusieurs années, on apprend la langue en jouant, en travaillant le corps, la voix et les émotions. Ce n’est pas une simple approche académique : c’est une immersion vivante.

Nos spectacles suivent cette logique. Ils brisent le fameux "4ᵉ mur" pour inclure le public, et nos comédiens italiens jouent souvent en français. C’est très motivant pour le public, surtout pour les jeunes. Ils se disent : "Si un Italien peut jouer dans cette langue, alors pourquoi pas moi ?" Cette ouverture, ce pont entre deux cultures, c’est exactement ce que je cherche à créer.

 

Comment le théâtre français est-il perçu par le public romain et italien ? Y a-t-il des œuvres ou des styles qui plaisent particulièrement ?

Le public romain, et plus largement italien, est très réceptif. Mais il faut savoir s’adapter. Des œuvres qui fonctionnent parfaitement en France ne suscitent pas toujours le même engouement ici. Alors, je fais en sorte de proposer des textes qui captent leur intérêt, souvent en les adaptant. Prenez Molière, par exemple : ses pièces sont incroyables, mais pour un public italien, on doit alléger les dialogues, rendre la mise en scène plus dynamique.

Avec les jeunes, c’est encore plus évident. Si on leur fait lire Ionesco, ils risquent de décrocher. Mais si on leur propose de jouer ses textes, c’est tout autre chose : ils s’approprient l’œuvre, la comprennent en la vivant. Et ce qui me touche toujours, c’est de voir des élèves d’abord réticents se laisser emporter. Quand ils oublient leur téléphone pendant une heure et demie pour être captivés par une pièce, c’est une vraie victoire.

 

Quelles collaborations avez-vous établies avec des institutions culturelles italiennes ? Avez-vous des exemples récents de projets ou de productions qui illustrent ces partenariats ?

Nous travaillons beaucoup avec des institutions comme les Instituts français à Rome, Milan, Florence ou Naples, et aussi avec l’Alliance française. Ces partenariats sont précieux pour organiser des formations pour les enseignants, des cours pour les élèves et des spectacles.

Mais ce qui est essentiel pour moi, c’est notre collaboration avec les écoles italiennes. Nous intervenons dans les établissements en proposant des cours de théâtre en français, validés dans le cadre scolaire. Ces cours permettent aux élèves d’utiliser immédiatement ce qu’ils apprennent en cours de langue, tout en découvrant la littérature francophone.

Un exemple concret, ce sont les matinées théâtrales que nous organisons pour les collèges et lycées italiens et français. Ces spectacles sont conçus pour des non-francophones : on y intègre de la musique, des chansons en direct, et des mises en scène interactives. Cela rend la langue vivante et accessible, même pour ceux qui ne la maîtrisent pas encore.

 

Quels sont les principaux défis pour faire vivre le théâtre français à Rome, et quels sont vos projets pour l’avenir ?

Le plus grand défi, c’est sans aucun doute financier. Nous ne recevons aucune subvention, alors nous devons tout construire par nous-mêmes. Monter un spectacle, c’est coûteux : scénographie, costumes, déplacements… Par exemple, organiser une représentation à Milan coûte environ 5000 €. Parfois, on rentre à peine dans nos frais, et il arrive qu’on perde de l’argent. C’est frustrant, car notre mission est d’amener la langue et la culture françaises partout, même dans des zones éloignées. Mais malgré les obstacles, je suis fière de ce que nous avons accompli. Cela fait 22 ans que nous existons, et ce n’est pas rien dans un pays où la culture est souvent négligée.

Pour l’avenir, mon objectif est clair : retrouver l’élan que nous avions avant la pandémie. Je veux relancer nos activités dans d’autres villes comme Milan et Naples, et élargir notre public. Mais cela demande du temps, des efforts et une solide organisation.

Au-delà de tout ça, ce que je veux, c’est continuer à transmettre la magie du théâtre vivant. Une salle pleine, l’énergie partagée entre les acteurs et le public, c’est une expérience unique. Et si, grâce à nous, des jeunes deviennent des ambassadeurs de la langue et de la culture françaises, alors tous nos efforts en valent la peine.

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